- EMBARQUER SON ÉCOSYSTÈME
- Retours d'expériences de GenLeaders CEC
- 1. INTRODUCTION : L'ENJEU CRUCIAL DE L'EMBARQUEMENT
- Le contexte de l'économie régénérative
- L'urgence d'agir collectivement
- 2. COMPRENDRE L'EMBARQUEMENT DES PARTIES PRENANTES
- Définition et enjeux
- Les données du baromètre Alumni CEC
- Obstacles et défis courants
- 3. FONDAMENTAUX DE L'EMBARQUEMENT INTERNE
- Clarté de la vision et alignement stratégique
- Implication et participation des collaborateurs
- Sensibilisation et formation
- 4. ÉTUDES DE CAS : EMBARQUER EN INTERNE
- Easy Cash : Transformer un modèle d'affaires avec ses franchisés
- Le bon rythme : les leçons d'Anne-Catherine
- Davidson Consulting : Les leçons d'un embarquement trop rapide
- Le principe de la bascule des 25%
- Mustela : La co-construction de la feuille de route
- Créer un récit positif
- Mettre en place des rituels
- Célébrer les victoires
- 5. ÉTUDES DE CAS : EMBARQUER EN EXTERNE
- L'exemple du sourcing végétal
- Créer des synergies territoriales
- La coopétition comme levier d'innovation
- Identifier les enjeux communs
- 7. MOBILISER AU-DELÀ DE L'ENTREPRISE
- L'approche GenAct et l'activation des collaborateurs
- Créer des alliances écosystemique
- 8. SURMONTER LES OBSTACLES
- Gérer l'impatience et le temps long
- Comment aborder les réfractaires
- Concentrer son énergie sur les ambassadeurs
- Comment embarquer le monde de la grande distribution ?
- 9. CONCLUSION : VERS UNE DYNAMIQUE COLLECTIVE
- Recommandations pratiques
- Les prochaines étapes
- Annexe GenAct
- GenAct et la CEC, 2 destins liés & une offre préférentielle au lancement
EMBARQUER SON ÉCOSYSTÈME
Retours d'expériences de GenLeaders CEC
Ce petit livre blanc a pour vocation d'inspirer les Alumni de la CEC dans leurs problématiques d'embarquements de parties prenantes, internes et externes.
Il a été constitué à partir de plusieurs sources : le baromètre Alumni CEC, les Podcasts de la CEC (Cap Regen et Echos de territoires) et notre Atelier Alumni dédié à l’Embarquement le 17 Avril 2025.
1. INTRODUCTION : L'ENJEU CRUCIAL DE L'EMBARQUEMENT
Le contexte de l'économie régénérative
La transition vers une économie à visée régénérative représente aujourd'hui l'un des défis majeurs de notre époque. L’association CEC a accompagné plus de 1300 organisations, impliquant 2600 dirigeants à travers la France dans cette démarche. L'enjeu n'est plus seulement de réduire les impacts négatifs mais bien de transformer radicalement les modèles d'affaires.
La CEC se positionne comme "un arbre parmi d'autres" dans la "forêt Regen", travaillant en synergie avec d'autres mouvements et associations tels que B-lab, l'Institut des futurs Souhaitable, Le Mouvement Impact France, le CJD, les acteurs de l'économie sociale et solidaire, Team for the Planet, ou encore les Shifters… Cette approche écosystémique témoigne de la nécessité de s'unir pour atteindre collectivement "le cap régénération".
L'urgence d'agir collectivement
Comme l'a souligné Fabrice Bonnifet dans son intervention : "On n'a plus le temps, il faut vraiment accélérer." Les dirigeants engagés dans la CEC cherchent désormais à créer un "point de bascule" où 25% des acteurs économiques, convaincus et convaincants, pourraient faire basculer l'ensemble de l'économie vers une visée régénérative.
C'est dans ce contexte que l'embarquement de l'écosystème devient un enjeu crucial. Une feuille de route à visée régénérative, aussi ambitieuse soit-elle, ne peut se concrétiser sans mobiliser l'ensemble des parties prenantes internes (collaborateurs, franchisés, actionnaires) et externes (fournisseurs, clients, territoires, concurrents).
2. COMPRENDRE L'EMBARQUEMENT DES PARTIES PRENANTES
Définition et enjeux
L'embarquement des parties prenantes consiste à mobiliser, convaincre et impliquer activement l'ensemble des acteurs concernés par la transformation de l'entreprise. Il s'agit d'un processus qui demande du temps, de la patience et une approche stratégique adaptée à chaque type de partie prenante.
Dans le cadre d'une démarche régénérative, l'embarquement dépasse la simple adhésion à un projet d'entreprise. Il s'agit d'engager chacun dans une transformation profonde des façons de faire, de penser et d'interagir avec son écosystème.
Les données du baromètre Alumni CEC
Le baromètre Alumni de la CEC, qui a recueilli les témoignages de 130 organisations environ un à deux ans après la remise de leur feuille de route, révèle des tendances significatives sur l'embarquement :
- 91% des entreprises ont mis en place des dispositifs d'acculturation et de sensibilisation des collaborateurs (fresques du climat, ateliers de sensibilisation, etc.)
- 50% ont développé des politiques d'accompagnement sur les métiers
- De nombreuses entreprises ont accordé une plus grande autonomie aux équipes pour favoriser un mouvement "bottom-up"
- Au niveau externe, on observe une évolution vers l'intégration des parties prenantes dans la gouvernance et un travail sur le partage de la valeur tout au long de la chaîne
Obstacles et défis courants
Les témoignages des GenLeader CEC révèlent plusieurs défis communs dans l'embarquement :
- Une approche trop descendante qui ne laisse pas émerger l'envie et le pouvoir d'agir
- Un manque de patience des leaders, notamment après le "sursaut" provoqué par la CEC
- La difficulté d'embarquer les équipes de direction et les managers
- Un sentiment de solitude ressenti par les porteurs du changement face au "fossé énorme" de perception
- La dichotomie entre certains types de métiers avec des difficultés logistiques pour impliquer certaines équipes
- Des réactions sceptiques de certains collaborateurs qui se considèrent déjà "frugaux"
"J'ai fait l'erreur d'essayer d'embarquer trop vite et de ne pas faire de longue pédagogie du truc. Je suis revenu de la CEC très convaincu moi-même et j'ai pris un raccourci complètement idiot [...] j'ai oublié qu'au-delà de la qualité de la synthèse, il y avait un temps de digestion nécessaire et on ne l'a pas pris." (Davidson Consulting)
"On a loupé, je pense, l'embarquement permanent au niveau du Codir et du G40, donc la première strate de manager." (Groupe Cheval)
"Il a été très difficile pour nous, un, d'embarquer le premier cercle qui est le comité de direction, deux, le deuxième cercle qui est les managers, et puis trois, le cercle de tous les collaborateurs." (Tikamoon)
- Le Groupe Cheval souligne le sentiment de solitude ressenti et le décalage de perception.
"A chaque fois qu'on en parle, et que Jean-Pierre en parlait à ses parties prenantes, à son entourage, le fossé est énorme, et donc un sentiment de solitude énorme." (Groupe Cheval)
- Serfim note que malgré un bon niveau de compréhension, l'adhésion à une échelle de 2800 personnes reste un défi.
"Aujourd'hui, je pense qu'il y a un bon niveau de compréhension. Je reste sur un niveau de 6/10 parce quʼon a encore beaucoup à faire, parce quʼil y a une entreprise de 2 800 personnes à peu près. Ce nʼest pas encore facile de faire adhérer." (Serfim)
Tu peux être hyper inspirante (en tant que) dirigeant·e [...] ça reste un cheminement personnel. Et chacun doit vraiment être face à ses convictions, face à ce sujet, presque seul. (Alexandra Mathiolon)
- PhotoWeb met en évidence la dichotomie entre les bureaux et la production, avec des difficultés logistiques pour impliquer les équipes sur les lignes de production, ainsi que des réactions sceptiques de certains employés se considérant déjà "frugaux".
"Ce qu'on a rencontré, cʼest une dichotomie entre les bureaux et la prod. Tu as aussi des réactions qui disent : “oui, mais moi, je ne pollue pas grand-chose déjà, les gars. Moi, je n'ai qu'une bagnole pour toute la famille, je viens à vélo, je ne pars pas en vacances bien loin, etc... Donc, qu'est-ce que vous m'embêtez avec vos fresques du climat ou votre atelier 2tonnes ? Je suis déjà à 2 tonnes." (PhotoWeb)
- Staten décrit un processus d'embarquement lent mais potentiellement plus efficace sur le long terme, avec des réactions variées et la nécessité de répétition.
"Sur la partie collaborateurs, on a vraiment tout l'éventail qui est bien représenté. [...] On sent que l'embarquement, il est lent, il est très lent. Mais je pense que c'est une bonne chose qu'il soit lent parce que du coup, il sera efficace sur le long terme." (Staten)
Fabrice Bonnifet a également souligné la frustration face à "l'incapacité des parties prenantes à comprendre le peu de temps qui nous reste" et les arguments qui servent parfois à "gagner du temps dans l'inaction".
3. FONDAMENTAUX DE L'EMBARQUEMENT INTERNE
Les retours d'expérience des Alumni CEC permettent d'identifier 3 piliers fondamentaux pour réussir l'embarquement interne :
- la clarté de la vision
- l'implication active des collaborateurs
- la sensibilisation/formation
Clarté de la vision et alignement stratégique
L'embarquement commence par une vision claire et un alignement entre les valeurs, la raison d'être et la stratégie de l'entreprise. Comme le souligne Alexandre Bellangé de Belco :
"Je crois que la première des choses pour embarquer des équipes, c'est avant tout d'avoir un projet hyper clair, d'avoir une raison d'être, d'avoir des valeurs, d'avoir un ADN, d'être constant dans ce qu'on fait et de chercher la transparence."
Cette clarté est renforcée par une orientation stratégique formalisée et partagée :
"Depuis 2013, on s'est toujours forcé à avoir des feuilles de route stratégiques formalisées et partagées. [...] On réfléchit, on pose les choses, on crée des chemins qui sont alignés avec les valeurs, avec l'ADN de l'entreprise. On communique tout ça à nos équipes et on essaie d'être le plus clair possible et le plus aligné possible dans tout ce qu'on fait avec nos valeurs. Et je crois que c'est un des facteurs qui génère le sens et l'appartenance."
- L'intelligence collective et l'esprit d'équipe préexistants dans la culture d'entreprise facilitent l'embarquement (Groupe ARES).
Implication et participation des collaborateurs
L'approche "top-down" a montré ses limites. De nombreuses entreprises témoignent de l'importance d'impliquer activement les collaborateurs dans la définition et la mise en œuvre de la feuille de route.
Belco a initié un processus où plus de 50% des équipes françaises ont suivi un parcours similaire à la CEC de manière indépendante :
"La solution qui a été trouvée, c'est de proposer à nos équipes de Bordeaux [...] de faire en même temps que nous le parcours de la CEC de façon totalement indépendante. [...] Plus de 50% de nos équipes a accepté de participer. Et ça a été pendant 10 semaines, 2 ou 3 heures par semaine [...] Des réflexions incroyables qui ont abouti à 70 propositions, des échanges hyper riches, la création d'une feuille de route commune."
De même, Sophie Robert-Velut de Mustela témoigne d'une co-construction approfondie :
"Ce qui fait que le projet n'est pas un projet top-down, ce n'est pas un projet qui vient de la direction et qu'on impose aux équipes. C'est un projet qui a vraiment été travaillé par des groupes de travail. [...] Quand je parle de groupes de travail, c'est quand même 120 personnes qui ont bossé à la fabrication des détails de cette feuille de route"
- L'appel à projets internes, comme chez Hospices Civils de Lyon, est une autre méthode pour encourager l'engagement et l'action à tous les niveaux.
- La reconnaissance et la valorisation des initiatives des employés sont essentielles (Serfim, HCL).
- L'intégration des enjeux sociaux et environnementaux dans les tâches quotidiennes et les objectifs individuels renforce l'engagement (Vedettes de Paris).
- La création d'un environnement de confiance et de sécurité psychologique favorise l'expression des avis et le dialogue (Renault Trucks).
- La reconnaissance du pouvoir d'agir individuel face à l'éco-anxiété peut être un puissant moteur d'engagement (Mustela).
- Cela peut également créer du lien intergénérationnel, la nouvelle génération étant parfois plus naturellement sensibilisée à ces sujets (Revol Porcelaine).
Sensibilisation et formation
La sensibilisation aux enjeux climatiques et sociaux est une étape fondamentale. La Fresque du Climat est mentionnée par de nombreuses entreprises comme un outil efficace (Mustela, PhotoWeb, Renault Trucks, Hospices Civils de Lyon, Vedettes de Paris).
Les approches de sensibilisation sont variées :
- Des "mini-CEC" internes (PhotoWeb, Groupe Cheval)
- Des séminaires avec des experts externes (Groupe ARES)
- Des ateliers comme 2tonnes (PhotoWeb)
- Des déjeuners thématiques et formations spécifiques à l'éco-conception (PhotoWeb)
- Des formations en ligne avec la plateforme SATOR (Picoty)
Certaines entreprises, comme Vedettes de Paris ou ALMA SCOP, intègrent désormais la Fresque du Climat ou The Week dans leur séminaire d'intégration, assurant ainsi une sensibilisation dès l'arrivée des nouveaux collaborateurs.
"Dans les séminaires qui ont eu lieu dans les mois qui ont suivi la CEC, entre les commerciaux d'Expanscience et les commerciaux de ces distributeurs, il y a eu des fresques du climat, il y a eu de la sensibilisation" (Mustela)
"On a fait des mini-CEC au sein de PhotoWeb pour arriver à embarquer tous les collaborateurs dans leur prise de conscience." (PhotoWeb)
"On a fait le choix d'avoir un partenariat avec la Fresque du Climat pour former des professionnels." (HCL)
"On est en train de former les gens, pas seulement notre personnel, mais aussi nos partenaires et fournisseurs, sur l'importance de l'économie régénérative et les actions concrètes qu'ils peuvent mettre en place." (Vedettes de Paris)
4. ÉTUDES DE CAS : EMBARQUER EN INTERNE
Easy Cash : Transformer un modèle d'affaires avec ses franchisés
Easy Cash, réseau d'achat-revente de produits de seconde main comprenant 165 magasins dont 135 franchisés, illustre parfaitement le défi d'embarquer des parties prenantes internes dans une transformation profonde du modèle d'affaires.
Anne-Catherine Péchinot, Directrice Générale, raconte comment sa participation à la CEC l'a amenée à remettre en question le modèle économique de son entreprise pourtant déjà positionnée sur la seconde main. Elle a réalisé que la présence importante de produits neufs et la logique "hypervolumique" n'étaient pas compatibles avec une visée réellement régénérative.
La feuille de route régénérative d'Easy Cash impliquait des renoncements majeurs (au neuf et au volume) ainsi qu'une réorientation vers la réparation et l'école de l'occasion. Ces changements représentaient un défi considérable pour les franchisés qui avaient investi personnellement et financièrement dans un modèle d'affaires fondé sur la croissance volumique.
Le bon rythme : les leçons d'Anne-Catherine
Anne-Catherine partage avec authenticité son évolution dans sa façon d'aborder l'embarquement :
"Au démarrage, avec Sophie ma planète championne, on voulait absolument convaincre. On était tellement persuadées que notre feuille de route était 'waou' qu'on a voulu faire les bulldozers. On a voulu expliquer pourquoi on avait raison et on a été dans des logiques très descendante où on était les sachantes et on voulait convaincre tout le monde."
Cette approche s'est rapidement révélée inefficace. L'équipe d'Easy Cash a dû accepter plusieurs réalités :
- Tout le monde ne sera pas convaincu, et c'est acceptable
- Chacun avancera à son propre rythme
- La patience est nécessaire malgré l'urgence ressentie après le "sursaut" de la CEC
Davidson Consulting : Les leçons d'un embarquement trop rapide
Bertrand Bailly, Directeur Général de Davidson Consulting, une entreprise de 3000 personnes, offre un témoignage précieux sur les erreurs à éviter :
"On y est allé beaucoup trop vite, et on a pris des décisions avant de prendre le temps de la pédagogie. Et le temps de la pédagogie, il est très lourd. Si c'était à refaire, le conseil que je pourrais donner, c'est d'expliquer, expliquer, expliquer de longues heures avant de commencer des trucs, même si on a l'impression que c'est lent et laborieux. Sur une entreprise de 3000 personnes, organiser des fresques du climat, organiser des ateliers métiers sur les impacts du digital, donner des conférences sur la biodiversité et le climat. Ça prend des heures et des heures, c'est logistiquement pénible, mais il faut le faire. Ne pas lancer trop vite des projets tant que le niveau de compréhension générale n'a pas atteint un certain stade. Et clairement, on a démarré trop tôt."
- La persévérance et la communication continue sont nécessaires pour un embarquement réussi sur le long terme (PhotoWeb, Staten).
Le principe de la bascule des 25%
Anne-Catherine a appliqué le principe de la bascule en visant d'abord à convaincre 25% de ses franchisés plutôt que l'ensemble du réseau :
"Ce qui était important pour que notre feuille de route réussisse, c'était d'en embarquer très vite 25%. On est désormais au 25% et c'est ce qui nous permet d'avancer de plus en plus vite. On sait qu'on n'embarquera pas 100% des gens d'ici 2030 et c'est pas grave. On a renoncé à ça et en renonçant à ça, on y arrive beaucoup mieux."
Cette approche pragmatique s'accompagne d'une vision claire : la feuille de route reste inchangée et, à terme, ceux qui ne s'y conformeront pas ne feront probablement plus partie du réseau en 2030.
L'entreprise a également développé une stratégie de communication efficace à travers son programme "Allready" (Ensemble, Aujourd'hui, Demain), qui met l'accent sur un récit positif et sur la célébration des premières victoires.
Mustela : La co-construction de la feuille de route
Mustela, marque du laboratoire Expanscience, a mis l'accent sur une co-construction profonde de sa feuille de route avec 120 personnes impliquées dans des groupes de travail. Sophie Robert-Velut souligne également l'importance de laisser du temps d'appropriation :
"Six mois plus tard, il y a eu un travail d'appropriation, mais c'est nécessaire de laisser ce temps de digestion aux équipes."
Un facteur puissant de motivation identifié par Mustela est la reconnaissance du pouvoir d'agir individuel face à l'éco-anxiété :
"Moi, je me suis sentie très libérée parce que je me suis dit, je n'ai pas le choix. Et je pense que de savoir ça [...] je ne peux pas faire comme si de rien n'était."
Créer un récit positif
L'expérience d'Easy Cash montre l'importance de créer un récit positif pour embarquer les parties prenantes. Anne-Catherine explique :
"On a décidé de donner un nom à notre feuille de route : 'Allready'. Notre cap régénératif, fixé en 2030, s'appelle 'AllReady' parce qu'on est déjà prêt. On a fait un film où on s'est projeté en 2030, avec des franchisés, avec nos ambassadeurs, pour expliquer que le récit était positif, qu'on était en 2030, qu'on avait fait tout ce qui était dans la feuille de route et que ça allait bien se passer."
Ce récit positif devient un leitmotiv, "une grande vague sur laquelle on embarque tout le monde au fur et à mesure."
Mettre en place des rituels
Pour inscrire la démarche régénérative dans le quotidien, Easy Cash a instauré des rituels inspirés de la CEC :
"Je commence désormais toutes mes réunions par le bilan carbone de la réunion, comme à la CEC. On a créé un certain nombre de rituels pour que la feuille de route régénérative fasse partie des choses dont on parle systématiquement, tout le temps, que ça rentre dans la tête des gens, que ça fasse partie de leur quotidien."
Ces rituels permettent d'ancrer les nouvelles pratiques et de normaliser la prise en compte des enjeux environnementaux et sociaux dans toutes les décisions.
Célébrer les victoires
Anne-Catherine souligne également l'importance de célébrer les victoires, même petites :
"On a décidé de commencer par des victoires. C'est plus facile de célébrer ces victoires et de commencer par des choses faciles qui marchent, pour que ça soit cool et que tout le monde ait envie d'y aller, et de raconter une histoire positive et pas une histoire dans la douleur."
Cette approche permet de créer une dynamique positive et de montrer que le changement est non seulement nécessaire mais aussi possible et bénéfique.
5. ÉTUDES DE CAS : EMBARQUER EN EXTERNE
Antoine Maret, responsable Open Innovation et Impact chez Expanscience, laboratoire pharmaceutique et dermo-cosmétique, partage leur stratégie d'embarquement des parties prenantes externes qui s'articule autour de trois axes principaux : le sourcing, la production et l'innovation.
L'exemple du sourcing végétal
Sur le volet amont de la chaîne de valeur, Expanscience s'est interrogé sur la possibilité de sourcer ses actifs végétaux plus localement et de façon plus respectueuse. Cela a conduit à une réflexion sur le cadre de coopération proposé aux agriculteurs :
"Est-ce que je suis à l'écoute de leurs projets ? Peut-être qu'aujourd'hui ils sont sur quelque chose de massifié, mais est-ce qu'ils ont envie d'aller sur des projets de renouveau d'agroforesterie, de respect des sols ? Est-ce que j'ai prévu ces conditions-là ?"
Cette démarche a donné naissance à un premier actif, Gaialine, et d'autres projets sont en cours. Elle a ancré l'entreprise dans l'idée qu'elle pouvait jouer un rôle important avec l'agriculture, en créant des débouchés au-delà de l'alimentaire et en établissant une relation de valeur partagée avec les agriculteurs.
Ce travail a impliqué l'équipe directrice des actifs et le directeur des achats, qui participent au parcours CEC Agri Agro, leur permettant de développer leur propre écosystème avec leur vision spécifique, au-delà de l'impulsion initiale des dirigeants.
Créer des synergies territoriales
Sur le volet production, Expanscience a lancé une réflexion autour de la question : "Et si notre usine était en symbiose avec les enjeux de notre territoire ?"
Ce questionnement a conduit l'équipe à mieux connaître son environnement local, en allant à la rencontre des acteurs du territoire : le maire, le président de la communauté de communes, le député, le syndicat mixte des trois rivières, l'agence de l'eau...
"On a commencé à interroger le maire, la communauté de communes, le député, à aller voir le syndicat mixte des trois rivières qui passent autour de l'usine, à interroger l'agence de l'eau, et à comprendre leur rapport à la situation actuelle et aux enjeux de 2040."
Cette démarche a permis d'identifier des enjeux communs comme le cycle de l'eau et la biodiversité, et de réfléchir à la façon dont l'usine pourrait jouer un rôle positif sur le territoire en coopération avec d'autres acteurs :
"Si je n'ai plus d'eau comment je peux gérer mon usine et l'écosystème qui va avec de partenaires ? Quel est l'état de la biodiversité ? En quoi mon usine potentiellement a un rôle à jouer avec le retour de la biodiversité sur le territoire et avec qui je peux coopérer là-dessus ?"
La coopétition comme levier d'innovation
Sur le volet aval, Expanscience a développé plusieurs projets innovants en travaillant avec des acteurs parfois concurrents. L'exemple le plus marquant est celui de Pharma Recharge :
Partant du constat que les fontaines individuelles de produits cosmétiques en pharmacie posaient des problèmes pratiques, Expanscience a initié un projet de coopétition pour créer une solution commune avec d'autres laboratoires :
"L'idée a été de se dire : et finalement, est-ce que nous serions capables de créer ensemble,
Identifier les enjeux communs
Antoine Maret en avant l'identification d'enjeux communs comme dénominateur commun de toutes les démarches d'embarquement réussies :
"Toutes ces démarches identifient des enjeux communs. Une fois qu'on positionne le commun, il y a souvent de la motivation, il y a de l'histoire, il y a de la valeur qui peut être générée et qui fait que chaque acteur a envie d'y aller."
Cette approche permet de dépasser les intérêts individuels pour construire une vision partagée où chacun trouve un bénéfice.
Antoine met également l'accent sur la distinction entre collaboration et coopération :
"On collabore pour faire, on coopère pour apprendre et grandir, et c'est ça qui motive les gens. Quand je veux embarquer des gens de l'extérieur, je ne vais pas les impliquer en leur demandant de faire des “to do”, je vais les impliquer parce qu'ils vont trouver quelque chose de plus grand qu'eux et qu'ils ont envie de grandir avec nous."
7. MOBILISER AU-DELÀ DE L'ENTREPRISE
L'approche GenAct et l'activation des collaborateurs
Fabrice Bonnifet a présenté l'initiative GenAct, une plateforme conçue pour mobiliser les collaborateurs dans la transformation des modèles économiques. Cette approche part du constat que les responsables RSE ont souvent été "comme la cerise sur le gâteau" dans de nombreuses entreprises, alors qu'il faudrait être "le levain dans la pâte" pour opérer un véritable changement.
GenAct vise à :
- Fournir des outils et méthodes aux collaborateurs désireux d'agir dans leur sphère d'influence professionnelle
- Rassembler sur une même plateforme des ressources jusqu'ici dispersées
- Permettre aux "GenActeurs" de bénéficier de tarifs préférentiels sur des formations et outils
- Créer une communauté pour favoriser la coopération
Cette initiative répond à un besoin identifié : beaucoup de collaborateurs sont conscientisés et ont envie d'agir, mais ne savent pas comment activer les outils et méthodes nécessaires dans leur contexte professionnel.
Créer des alliances écosystemique
Le webinaire a mis en évidence l'importance de créer des alliances entre les différents acteurs de la transition écologique, qu'il s'agisse d'entreprises, d'associations ou d'institutions.
Comme l'a rappelé Eric Duverger, la CEC elle-même travaille avec "tous les autres arbres de la forêt" de l'économie régénérative pour faire “alliances en écosystème".
Ces alliances sont nécessaires car, comme l'a souligné une participante, l'enjeu est d'éviter d'être "une juxtaposition d'acteurs mobilisés par l'urgence mais qui n'arrivent pas à se mobiliser entre eux".
8. SURMONTER LES OBSTACLES
Gérer l'impatience et le temps long
Antoine Maret a partagé sa prise de conscience concernant la nécessité d'accepter le temps long et utilise l'image du funambule pour illustrer ce défi :
"Il y avait tout le temps des gens, un peu théoriciens, qui me disaient : 'Il faut accepter le temps long […]Si tu vas trop lentement, tu peux te déstabiliser. Si tu vas trop vite, ça va pas."
Cette tension entre l'urgence d'agir et la nécessité de laisser le temps au changement de s'installer est un défi majeur de l'embarquement. Il s'agit de trouver le bon rythme, qui permette d'avancer sans brusquer, tout en maintenant le cap vers la transformation nécessaire.
Comment aborder les réfractaires
Le webinaire a abordé la question épineuse des personnes réfractaires au changement - des personnes qui se déclarent parfois engagées mais s'opposent à de nombreuses initiatives concrètes.
Plusieurs pistes ont été proposées pour gérer ces situations :
- L'immersion dans la nature : Organiser des expériences de reconnexion à la nature pour provoquer des prises de conscience
- Les expériences de désapprentissage : Faire vivre aux personnes des expériences concrètes qui leur permettent de toucher du doigt la complexité des enjeux et de développer leur empathie
- La formation à la pensée systémique : Aider à comprendre l'interdépendance des sujets et la nécessité d'un changement de paradigme
Concentrer son énergie sur les ambassadeurs
Une recommandation forte émerge des différents témoignages : ne pas s'épuiser à essayer de convaincre ceux qui résistent fortement au changement.
Comme l'a partagé Estelle, une participante :
"'En fait, il faut mettre ses énergies sur les gens sur qui tu peux avoir un impact. Typiquement cette personne-là, tu vas t'épuiser à essayer de la convaincre.' Et finalement c'est peut-être en embarquant tout le reste de l'équipe qu'à un moment donné elle va se dire : 'En fait je suis la seule à ne plus rien faire.' Et elle va se faire embarquer par les autres."
Cette approche pragmatique est cohérente avec le principe de la bascule des 25% : concentrer son énergie là où elle aura le plus d'impact, pour créer un mouvement qui pourra ensuite entraîner les plus réticents.
Comment embarquer le monde de la grande distribution ?
Cette question est resté ouverte mais voici quelques éléments de réponse :
- S'appuyer sur les consommateurs avec une approche "bottom-up" :
- S’inspirer des initiatives comme "C'est qui le patron" en impliquer davantage les consommateurs dans les décisions d'achat
- Être plus fort collectivement pour pousser les retailers à se réinventer
- Travailler avec des coopératives de distribution
9. CONCLUSION : VERS UNE DYNAMIQUE COLLECTIVE
Recommandations pratiques
À partir des différentes expériences partagées, voici quelques recommandations pratiques pour réussir l'embarquement de son écosystème :
- Raison d’être : Établir une vision claire et alignée avec les valeurs de l'entreprise
- Adopter une posture de phare : Éclairer le chemin sans forcer, en laissant chacun avancer à son rythme tout en maintenant le cap.
- Viser d'abord les 25% : Concentrer ses efforts sur les personnes les plus réceptives pour créer un premier mouvement d’ambassadeurs qui pourra ensuite s'amplifier.
- Créer un récit positif et inspirant : Développer une vision du futur désirable qui donne envie de s'engager.
- Identifier les enjeux communs : Chercher les convergences qui peuvent motiver l'ensemble des parties prenantes.
- S'ouvrir au territoire : Aller à la rencontre des acteurs locaux pour comprendre leurs enjeux et construire des synergies.
- Accepter le temps long tout en gardant l'urgence : Trouver le juste équilibre entre la nécessité d'agir vite et celle de laisser le changement s'installer.
- Former et sensibiliser : Prendre le temps nécessaire de la pédagogie.
- Répéter : Mettre en place des rituels pour ancrer les nouvelles pratiques dans le quotidien
- S'appuyer sur les clients comme levier de changement interne : Comme l'a souligné Fabrice Bonnifet, sensibiliser les clients peut être un puissant moteur de transformation pour l'entreprise.
Les prochaines étapes
L'embarquement de son écosystème n'est pas une démarche ponctuelle mais un processus continu qui évolue avec la maturation de la feuille de route.
À mesure que les premières parties prenantes s'engagent, de nouvelles opportunités émergent pour élargir le cercle de l'embarquement et approfondir la transformation.
L'économie régénérative ne se construit pas en silo, mais par la connexion et la synergie entre de multiples initiatives. C'est par la convergence entre les dirigeants engagés, les praticiens du régénératif, les directeurs du développement durable et les collaborateurs mobilisés que pourra s'opérer la transformation systémique nécessaire.
En définitive, embarquer son écosystème, c'est contribuer à une dynamique collective qui dépasse les frontières de sa propre organisation pour participer à l'émergence d'une économie qui fait "du bien à l'intérêt général".
Annexe GenAct
GenAct et la CEC, 2 destins liés & une offre préférentielle au lancement
La CEC vise à mobiliser les leaders du monde économique : les GenLeaders.
GenAct vise à mobiliser des milliers d'individus dans les organisations : les GenActeurs.
Ces 2 communautés visent la même bascule, vers une économie à visée régénérative.
🌱 Pour combiner nos forces, nous lançons une campagne d'adhésion des forces vives de la CEC, et de la part de Fabrice Bonnifet pour toute la famille CEC, voici le code préférentiel qui nous est réservé : GENACT_CEC
Il s’agit d’une réduction de 50% : soit un tarif de 12,50€ en early bird jusqu’au 26 avril !
(date de révélation complète de la plateforme lors de ChangeNow), puis un tarif de 15 euros du 27 avril au 15 mai.
A vous de jouer → inscription sur le site : https://www.genact.org/